Rémi Gageac écrivain

Vers la programmabilité génétique

Ou quand la réalité rejoint la fiction… La récente tentative par des chercheurs chinois de modifier le génome d’embryons humains s’inscrit dans une démarche visant à rendre possible la reprogrammation du génome. (Merci aux lecteurs qui me l’ont signalée.) Nous avons affaire ici non plus seulement à la “simple” création d’OGM, mais à la modification a posteriori du génome d’un organisme pluricellulaire. Cette nouvelle ouverture fait un écho singulier à Life++ à plus d’un titre.

Tout d’abord, à cause de la technique employée, CRISPR-Cas9. En simplifiant très grossièrement (pardon aux biologistes moléculaires qui me lisent), celle-ci s’apparente à un “chercher-couper” : détection d’une séquence d’ADN puis scission des deux brins à l’emplacement de cette séquence. Evidemment, employée seule, cette technique ne suffit pas à rendre le génome programmable. Mais combinée à d’autres dans une “boîte à outils génétique”, elle ouvre la voie aux “patches ADN” décrits dans Life++.

Ensuite, à cause du contexte. Singulièrement, c’est en Chine que cette transgression a eu lieu. (Je parle à dessein de “transgression” puisque cette expérience contrevient apparemment à la Convention d’Oviedo. Je n’ai pas suffisamment étudié le texte de cette convention pour me forger ma propre opinion.) Ce n’est pas un hasard si j’ai choisi la Chine pour décor dans Life++. Ce pays réunit en effet tous les ingrédients pour être le fer de lance de l’industrie du génie génétique dans les prochaines décennies : des pôles d’excellence scientifique, un niveau de vie en hausse constante (donc un marché intérieur florissant), un penchant historique pour l’eugénisme (dopé par la politique de l’enfant unique et la préférence culturelle pour les garçons)… et un régime peut-être moins soucieux des problèmes éthiques que des perspectives économiques.

Bien sûr, l’expérience a échoué. Bien sûr, les obstacles techniques et moraux restent innombrables. Il est encore trop tôt pour prédire ce qu’il adviendra. Mais demeure un sentiment bizarre : celui que le monde de Sven Stiegsson et des quadricodes est déjà en gestation, et que nous en constatons les premières manifestations.